lundi 12 mai 2008

[Politique] Lapsus à l'Elysée?

Quand régularisation, rime avec naturalisation.
En France, on compte actuellement entre 200 000 et 400 000 clandestins, dont la majorité travaille. La politique sur l’immigration de Sarkozy est claire : objectif 26 000 expulsions pour l’année 2008. Et, bien entendu, pas de régularisation massive des sans-papiers, « catastrophe qui conduirait à un appel d’air profitant aux trafiquants », selon notre Président. Or, au début du mois d’avril, la grève des salariés sans-papiers de la restauration, du nettoyage et du bâtiment a pris de court le gouvernement. Ce qu’ils veulent ? Des papiers, en clair, être régularisés. Ce n’est donc pas la nationalité française qu’ils demandent, mais de pouvoir travailler légalement. Et pourtant, lors de son allocution télévisée, en direct du tout nouveau studio de l’Elysée, Nicolas Sarkozy, interrogé par Yves Calvi sur une possible régularisation des travailleurs sans-papiers, a répondu qu’on ne devenait pas français en travaillant dans la cuisine d’un restaurant. Mais là n’était pas la question, Monsieur le Président. Vous confondez naturalisation et régularisation. Est-ce une confusion innocente, incompétence, ou manipulation politique ? Vous souhaitez effrayer les français, Monsieur le Président, en agitant le spectre de naturalisations massives, quand ces grévistes sans-papiers demandent juste un titre de séjour ? Ce sujet, vous le maîtrisez pourtant, vous avez été ministre de l’Intérieur, et pendant votre campagne électorale, le thème de l’immigration vous a fait gagner plus d’une voix ! Que souhaitez-vous, Monsieur le Président, attiser la discorde dans le pays, raviver la xénophobie ? Mais, vous le savez, notre économie repose sur l’exploitation au travail de ces hommes de l’ombre.
Vous qui pratiquez si bien la politique utilitariste, réfléchissez un instant, à quoi ressemblerait notre pays en l’absence des sans-papiers ? En panne, il serait en panne d’essence, en perte de sens.

Morgane Molle

NB: Tahar Ben Jelloun, poète marocain, a suivi des études de philosophie à Rabat. Il a obtenu le prix Goncourt pour La Nuit sacrée. En février 2007, il écrivait dans "Le Monde diplomatique" : « si le ministère de l’Intérieur français généralisait le système des visas pour fouler le sol de la France, beaucoup de mots resteraient au seuil des frontières. La langue française a intégré dans son parler et ses dictionnaires des centaines de mots arabes, mots quotidiens, d’autres plus techniques. Mais ce passage, cette intégration se sont faits à l’insu des censeurs et autres contrôleurs. On n’a pas encore inventé « la police des langues » mais cela ne saurait tarder si on ne réagit pas ». En octobre dernier il a écrit un poème sur la solitude de l’exilé.

Eloge de l’autre

Celui qui marche d’un pas lent dans la rue de l’exil
C’est toi
C’est moi
Regarde-le bien, ce n’est qu’un homme
Qu’importe le temps, la ressemblance, le sourire au bout des larmes
L’étranger a toujours un ciel froissé au fond des yeux
Aucun arbre arraché
Ne donne l’ombre qu’il faut
Ni le fruit qu’on attend
La solitude n’est pas un métier
Ni un déjeuner sur l’herbe
Une coquetterie de bohémiens
Demander l’asile est une offense
Une blessure avalée dans l’espoir qu’un jour
On s’étonnera d’être ici ou là-bas.

www.taharbenjelloun.org/

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